Le monde est isolé

Tout au long du XXe siècle, des créateurs du monde entier, compositeurs, peintres, chorégraphes, metteurs en scène, écrivains sont entrés à Paris dans une fantastique tectonique de l’art qui a révolutionné  le théâtre, la danse et l’opéra.

Si la dynamique est toujours active, elle est chaque année un peu plus, mise sous tutelle de l’économie. Aux errements de l’art on veut associer la raison du marché. Rentabilisons ! zou !

Le résultat sur les scènes est aussi probant que les Bambis de Jeff Koons dans les musées d’art moderne. Globalisation oblige, les différences que constituent les cultures et les langues sont gommées et l’écrit est déclaré lettre morte. L’image s’est substituée au récit et on a trouvé la solution pour rendre le théâtre universel et populaire : un théâtre sans théâtre.

Au questionnement sur le monde on répond aujourd'hui par un ethnocentrisme satisfait, bien au chaud derrière les frontières d'un postmodernisme sénile. Dans le grand fourre-tout planétaire, tout est recyclable, à un détail prêt, le théâtre et les cultures des quatre cinquième de la planète, catégorisés folkloriques.

C’est le fameux « Le continent est isolé » du bulletin météo de la BBC quand on ne voit plus Calais depuis Douvres. L’Europe est-elle atteinte du syndrome de Calais ?

Où est passé le monde ! N'y a-t-il  plus de grands théâtres en Chine, au Japon, en Inde, en Indonésie ? Après Bob Wilson et Peter Sellars, les États-Unis n'ont-ils plus rien à dire sur les scènes ? Où sont, sur les scènes d'Europe les grands théâtres russes, italiens napolitains ?

Étrange continent en vérité que le nôtre qui renie son art et sa culture mais a cessé de percevoir celle des autres. Révolutionnaire n’est-il pas ?

 

Patrick Sommier, Paris le 18 janvier 2017

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